Communiqué du Groupe LFI-NUPES
Alors que le projet de loi visant à sécuriser l’espace numérique ambitionnait de protéger les internautes, notamment les plus jeunes, sa conception techno-solutionniste et liberticide renforce la vulnérabilité des mineurs. La protection des mineurs face aux images pornographiques, la lutte contre la pédopornographie ou le cyber-harcèlement ou encore la lutte contre la fraude et les arnaques en ligne n’ont été que des prétextes pour le Gouvernement d’étendre une nouvelle fois la surveillance généralisée sur internet en mettant fin à l’anonymat. Ce projet de loi empêche, ainsi, le développement d’un monde numérique alternatif inclusif, bienveillant, solidaire, protecteur, libre et transparent. Ce projet de loi révèle une nouvelle fois la dérive autoritaire pernicieuse, drapée des atours de la guerre juste, qui se déploie dans nos sociétés. Il porte ainsi atteinte aux droits et libertés fondamentaux que notre Constitution garantit, et qui sont les socles de notre Etat de droit, notamment le droit au respect de la vie privée, droit garanti aux articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, ainsi que le droit à la liberté d’expression et de communication garanti à l’article 11 de cette même Déclaration.
Notre recours questionne plusieurs dispositions chimériques du texte qui constituent autant d’obstacles à la construction d’un monde alter-numérique éthique et responsable. Le groupe la France insoumise – Nupes demande la censure de onze articles de la loi :
- L’article 1er qui généralise la vérification de l’âge pour l’accès aux sites pornographiques. Ce dispositif n’est absolument pas encadré et le référentiel proposé par l’ARCOM pour cette vérification n’est ni viable ni fiable. Nous considérons d’ailleurs qu’un tel dispositif est inopérant pour protéger les mineurs contre la pornographie.
- Les articles 2, 4 et 5 qui déploient les sanctions administratives de déférencement ou encore de blocage des sites qui n’auraient pas mis en œuvre la vérification de l’âge ou encore contre les sites qui diffuseraient des images pédopornographiques, de torture ou de barbarie, sont liberticides. Les droits de la défense, garantis par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, ne peuvent être mis à l’écart, même en raison de la protection des mineurs ou de la lutte contre la pédopornographie. L’administration n’est pas le juge et nous devons préserver la séparation des pouvoirs dans notre État de droit, car elle est un moyen nécessaire à la garantie de la liberté d’expression.
- L’article 10 qui enjoint à l’Etat de donner accès à 100% des citoyens à une identité numérique, mettant à mal le droit au respect de la vie privée ainsi que l’anonymat sur internet.
- L’article 17 qui aggrave les peines relatives au chantage numérique sans prendre en compte le respect du principe de proportionnalité des délits et des peines.
- L’article 19 qui crée un délit d’outrage en ligne puni d’une amende forfaitaire délictuelle comporte aussi de vrais risques pour la liberté d’expression.
- L’article 23 qui prévoit la création d’une réserve citoyenne du numérique, véritable institutionnalisation de la délation généralisée sur internet et qui porte atteinte au droit au respect de la vie privée.
- Les articles 40 et 41 qui créent un régime juridique nouveau pour les jeux à objets numériques monétisables, différent de celui des jeux d’argent en ligne. Les moyens de préservation de la santé publique ne sont pas garantis par ce nouveau régime.
- Enfin l’article 42 qui prévoit pour la recherche d’expérimenter des méthodes de collecte massive des données publiques ce qui fait peser un risque majeur sur le droit au respect de la vie privée sur internet.
Ces différents dispositifs posent les premières pierres d’une censure généralisée inacceptable dans un Etat de droit. Nous rappelons que le Conseil constitutionnel a déjà par le passé censuré les dispositifs de la loi Avia qui proposait d’élargir à outrance les pouvoirs de l’administration ouvrant la porte à un modèle de censure généralisé sur internet. Cette nouvelle saisine doit être à nouveau l’occasion de prévenir toute dérive autoritaire et de préserver l’espace numérique.
L’anonymat sur internet n’est pas seulement une utopie, il est le pendant du respect de l’anonymat au sein des espaces publics et être identifiable pour des raisons de sécurité n’implique pas d’être en permanence identifié sur internet par des tiers. Le développement d’un monde numérique alternatif inclusif, bienveillant, solidaire, protecteur, libre et transparent. Plusieurs associations et acteurs de la société civile sont engagés dans cette bataille juridictionnelle qui se joue aujourd’hui, tant au niveau national qu’au niveau européen.
Nous estimons par conséquent que les articles 1er, 2, 4, 5, 10, 17, 19, 23, 40, 41 et 42 sont contraires à la Constitution et demandons au Conseil constitutionnel de censurer ce projet de loi.