Le Programme des Nations unies pour l'environnement a annoncé le 24 octobre 2024 que les émissions mondiales de gaz à effet de serre nous feront vivre dans un monde à + 3,1 °C d'ici à la fin du siècle. Il faudrait que la communauté internationale se mobilise de toute urgence pour contenir la hausse des températures.

Hélas, la décision de tenir la 29e Conférence des Parties (COP29) à Bakou, en Azerbaïdjan, du 11 novembre au 22 novembre, est révélatrice de l’hypocrisie qui anime les dirigeants aussi bien au regard des violations répétées des droits humains dans ce pays dont le pétrole et le gaz représentent 35% de son PIB et plus de 90% de ses exportations.

Human Rights Watch, Amnesty International, parmi d’autres observateurs internationaux, critiquent régulièrement la gouvernance autoritaire d’Ilham Aliyev, au pouvoir depuis 2003, en documentant des cas de répression de la liberté d’expression ou d’emprisonnement d’opposants politiques qui font peser un climat d’intimidation sur la société civile.

Ainsi, en 2020, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné le pays pour avoir emprisonné des journalistes comme Khadija Ismayilova, incarcérée en 2015 pendant 3 ans, après avoir enquêté sur la corruption au sin du gouvernement, en concluant que les autorités « visaient à la faire taire et à la sanctionner en raison de son travail de journaliste ». On peu également citer le cas notable de Leyla Yunus, une défenseur des droits humains et des droits des minorités, présidente de l’ONG Institut pour la Paix et la Démocratie, qui oeuvrait également pour la réconciliation entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie, divisés par la question du Haut-Karabakh. Condamnée à 8 ans de prison en 2015, pour le motif principal de « trahison d’état », elle a passé près de 18 mois en détention dans des conditions très dures. Juste avant son arrestation, elle avait appelé au boycott international des Jeux Européens en raison du bilan déplorable de son pays au plan des droits humains…

Aujourd’hui, la situation se répète: plusieurs rapporteurs de l’ONU ont récemment exprimé leurs craintes pour la sécurité des activistes pro-climat dans ce pays. En amont de la COP29, la répression à l’encontre des journalistes et des défenseurs des droits humains s’est accentuée. Anar Mammadli, co-fondateur de Climate of Justice Initiative, une plateforme de défenses des libertés civiques dans le cadre de la COP29 est en détention provisoire depuis avril 2024, tandis que l’économiste et militant anti-corruption Gubad Ibadoghlu, universitaire critique de l’industrie pétrogazière azerbaïdjanaise, a pour sa part été arrêté en juillet 2023. Assigné à résidence, il risque jusqu’à dix-sept ans de prison.

En critiquant cette filière climaticide, les activistes écologistes mettent en péril les intérêts financiers du gouvernement – et se mettent donc en danger eux-mêmes. « Les enquêtes sur les méfaits de l’industrie fossile en Azerbaïdjan, ou le plaidoyer en faveur d’une élimination progressive des énergies fossiles, sont interdits », rappellent Human Rights Watch et Freedom Now. Tout semble en place pour que cette COP29 soit l’illustration parfaite du « greenwashing » ou de « l’écologie spectacle » comme la qualifie Clément Sénéchal dans son livre « Pourquoi l’écologie perd toujours » paru en octobre 2024.

Adoubé par les puissances dépendantes de ses matières premières, le régime de Bakou tente de profiter de la COP29 pour embellir son image et se légitimer sur la scène internationale, tout en poursuivant une politique énergétique contraire aux objectifs de réduction des émissions, puisque l’industrie des hydrocarbures représente 51,1% des recettes budgétaires de l’Etat.

Le conflit territorial entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie (qui se joue dans la République autoproclamée du Haut-Karabagh, en particulier depuis l’offensive de septembre 2023, déclenchée par l’Azerbaïdjan afin d’en prendre le contrôle total) n’aura pas nuit aux affaires entre ce pays agresseur et l’Union européenne.

Pourtant, Bakou est accusé de mener une politique de nettoyage ethnique et de violation du droit international humanitaire, provoquant le déplacement de plus de 100 000 réfugiés vers l’Arménie. En 2022 déjà, Bakou a fermé le corridor de Latchine, seule voie reliant l’Arménie au Haut-Karabagh, sous couvert d’une action écologique, mais cette fermeture a été qualifiée de blocus humanitaire par plusieurs observateurs qui dénoncent cette action comme une manoeuvre pour exercer une pression sur les Arméniens et affaiblir leur présence dans la région.

Face à toutes ces contradictions et à une situation politique et humanitaire très détériorée, l’Association de Soutien à l’Artsakh (ASA), autre nom de la République Haut-Karabagh, exhorte les participants à la COP29 à dénoncer les actions répressives du régime azerbaïdjanais, trouvant un certain écho dans la communauté internationale: lors de la réunion plénière du Parlement européen le 23 octobre, les députés européens ont jugé honteuse la tenue de la conférence COP29 à Bakou et ont souligné que la protection des problèmes environnementaux ne peut se produire dans le contexte de violations des droits de l’homme. Les députés européens ont appelé l’UE à mettre fin à l’accord gazier avec l’Azerbaïdjan et certains ont parlé de boycotter la conférence COP29 à Bakou.

Sans illusion, la sécurité des militant.es pro-climat durant les pourparlers ne semble pas garantie, malgré l’accord-cadre signé en août entre l’ONU Climat, sous l’égide de laquelle s’organisent les COP, et l’Azerbaïdjan pour l’accueil de la COP29. Mais après voir obtenu et publié une copie de ce document, Human Rights Watch a estimé qu’il était « rempli de lacunes et d’ambiguïtés significatives sur les protections des droits des participants« .

L’hypocrisie et le double-langage des Etats « occidentaux » « font perdre toute naïveté » comme le scandent désormais les manifestants tunisiens à propos de la Palestine. C’est valable pour le climat: les COP s’enchainent pour le pire.

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