Mme Sophia Chikirou alerte M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur la hausse des tarifs d’assurance annoncée par les assureurs pour le 1er janvier 2024.
D’abord, il faut rappeler que les assurances santé, automobile et habitation sont obligatoires. Elles représentent des dépenses contraintes pour les concitoyens et des recettes très conséquentes pour les compagnies privées et mutuelles ! Chaque mois, un foyer de 4 personnes y consacre une part considérable de son budget : ce sont les classes populaires et les classes moyennes qui paient le plus en proportion de leurs revenus. Ce système crée des inégalités, plombe le pouvoir d’achat de nombreuses familles et va jusqu’à l’exclusion de certains qui se retrouvent en infraction. Ainsi, les prix des assurances sont déjà si élevés que pas moins de 800 000 concitoyens conduiraient sans assurance automobile.
Cela concerne évidemment les plus précaires et en particulier les plus jeunes, puisqu’une personne sur deux conduisant sans assurance a moins de 30 ans, selon le Fonds de garantie des victimes. Et la tendance n’est pas à la baisse : d’après une étude de la plateforme Poll et Roll pour Leocare, 28 % des Français envisagent de renoncer aux assurances habitation ou automobile. Et pour cause, selon cette même étude, 41 % des Français déboursent désormais plus de 40 euros par mois pour leur assurance habitation (+ 4 % par rapport à 2022) et cette part s’élève même à 75 % pour l’assurance auto (+ 14 % en un an).
De plus, le système de prix des assurances est profondément inégalitaire : un jeune paie 15 % de plus que la moyenne pour ses assurances, de même que les locataires paient plus cher que les propriétaires l’assurance de leur voiture ou de leur logement. Une personne sans emploi paie son assurance auto 23 % de plus qu’un cadre pour la même voiture avec les mêmes garanties.
Pour rappel, sur l’année 2023, les prix ont déjà augmenté de plus de 3 % en moyenne, un moindre mal puisque les assureurs s’étaient engagés à rester en dessous du niveau de l’inflation. Mais c’était le calme avant la tempête. Pour 2024, ils annoncent « une hausse forcément significative » de leurs prix, du propre aveu du directeur général d’Axa France. Fin septembre 2023, le directeur général d’Aéma avait quant à lui déclaré que « l’inflation sera un plancher pour l’année à venir ». Du côté d’Axa, on explique qu’on « ne fixe pas la politique tarifaire en fonction de l’inflation ». En fait, les assureurs vont répercuter en 2024 ce qu’ils auraient voulu faire en 2023. Au motif de la hausse de leurs coûts, ils vont faire payer une addition salée aux Français pour augmenter leurs profits.
Dès le premier janvier 2024, les experts du secteur prévoient ainsi des hausses bien supérieures à celle des prix à la consommation : de 4 % à 5 % pour l’automobile, 6 % à 7 % pour l’habitation et jusqu’à 8 % pour la santé. Or, dans le même temps, les assureurs continuent à réaliser de juteux profits. À titre d’exemple, la société Axa revendique un bénéfice net de 7,3 milliards d’euros en 2022 selon Le Figaro. Selon Les Echos, au premier semestre 2023, son résultat opérationnel a progressé de 18 % sur un an, pour se porter à 4,11 milliards d’euros. Il est donc faux d’affirmer que les assureurs n’ont pas le choix. Et quand bien même ces hausses de prix seraient justifiées, il est inconcevable de se résigner et laisser à l’abandon les plus précaires des concitoyens, sur lesquels pèsent davantage ces augmentations et qui sont de plus en plus nombreux à faire le choix contraint de ne plus s’assurer. À long terme, la Banque de France prévoit des tarifs trois fois plus élevés à l’horizon 2050 si on laisse le marché et les assureurs privés dicter les prix.
Cette hausse des prix des assurances intervient dans un contexte global marqué par l’inflation et la hausse des prix à la consommation. Les prix de l’alimentation ont bondi de près de 20 % en deux ans, forçant nombre de concitoyens qui n’y avaient jamais eu recours à solliciter les services d’aide alimentaire des associations, elles-mêmes en crise de financement. Les prix de l’électricité ont connu en février 2023 une hausse limitée par le bouclier tarifaire à 15 %, puis une nouvelle hausse de 10 % des tarifs réglementés en août 2023 et les Français s’attendent à en subir une autre en janvier 2024. Nombre de Français ne pourront donc pas supporter cette charge supplémentaire des assurances obligatoires sur laquelle le Gouvernement ne s’est toujours pas exprimé. « À ce stade, on n’a pas eu de demande », affirme même le directeur d’Axa.
Plus que de demander, comme M. le ministre en a l’habitude, le Gouvernement doit intervenir. En effet, l’obligation pour les Français de s’assurer revient à confier de facto aux compagnies la protection sociale des citoyens. Mme la députée a déposé des amendements lors du projet de loi « pouvoir d’achat » discuté en juillet 2022 et a ensuite interpellé M. le ministre lors d’une audition en commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale pour demander un blocage des prix des assurances obligatoires et des mutuelles de santé.
Mme la députée souhaite donc savoir si M. le ministre est disposé à prendre de telles mesures. Sinon, comment compte-t-il plafonner la hausse des prix pratiqués par les assureurs et éviter le choc annoncé au 1er janvier 2024, ou à défaut limiter l’impact de cette hausse sur les plus précaires des concitoyens ? Enfin, elle lui demande s’il est prêt à engager une analyse chiffrée et précise de la part de ses services sur les contributions des assureurs aux dommages des particuliers, avec un examen du reste à charge pour les particuliers qui n’ont pas les moyens de payer les primes d’assurance, afin de connaître la vérité sur les surprofits des assurances et leur contribution réelle à la protection santé et sociale des Français.