Question écrite au gouvernement
Adressée au ministre de l’Europe et des affaires étrangères
Mme la députée Sophia Chikirou interroge M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères sur la dangereuse escalade provoquée par les annonces du président des États-Unis visant à instaurer un « blocus total » contre les pétroliers entrant ou sortant du Venezuela, mesure de coercition maritime unilatérale qui constitue une grave remise en cause du droit international.
Depuis le 16 décembre 2025, l’administration américaine a franchi un palier supplémentaire dans sa stratégie de coercition contre le Venezuela : le président Donald Trump a publiquement annoncé un « blocus total » visant les pétroliers entrant ou sortant du pays, au motif de sanctions unilatérales américaines.
Derrière le vocabulaire, il s’agit d’un retour assumé à la diplomatie du canon : empêcher par la force un État de commercer librement, en transformant la mer en zone de contrôle politique américain. Les effets d’intimidation ont été immédiats : des navires auraient modifié leur route ou attendu au large, comme si Washington prétendait décider unilatéralement qui peut naviguer, où, et avec qui commercer.
Un blocus, même prétendument “ciblé”, installe une mécanique explosive : interceptions, arraisonnements, pressions sur des pavillons tiers, risques d’erreurs d’identification et de ripostes. Dans une zone déjà sous tension, la probabilité d’un incident maritime devient un instrument politique : on crée un prétexte, on accuse l’autre camp, puis on justifie l’escalade.
Ce scénario met en danger non seulement les populations vénézuéliennes, mais plus largement la stabilité régionale et la sécurité maritime dans les Caraïbes, au mépris des principes élémentaires de prévention des conflits.
Le terme même de “blocus” n’est pas anodin : en droit, il renvoie à une mesure de force et à une entrave délibérée à la liberté de navigation. En l’absence de mandat du Conseil de sécurité de l’ONU, cette démarche ressemble à une tentative de substituer l’ordre international par un ordre unilatéral, où le droit devient la simple extension des sanctions américaines et de leur application armée.
C’est précisément ce point que les Nations unies ont rappelé par l’intermédiaire du Secrétaire général António Guterres qui a appelé à la retenue et à la désescalade, en renvoyant explicitement à l’obligation de respecter le droit international et la Charte de l’ONU. L’ONU rappelle ainsi qu’on ne peut pas normaliser des pratiques qui s’apparentent à une police maritime mondiale exercée par un seul État.
La présidente mexicaine Claudia Sheinbaum a eu le courage d’appeler publiquement les Etats-Unis à éviter toute effusion de sang, et d’appeler les Nations unies à s’opposer à toute intervention américaine.
Cette prise de position exprime une exigence largement partagée en Amérique latine, notamment par le Président brésilien Lula. Il ne faut pas laisser se réinstaller la logique des “arrière-cours” et des coups de force, mais défendre la souveraineté et la paix, par la voie diplomatique.
Dans ce contexte, Mme la députée demande au ministre quelle est la position officielle de la France sur l’annonce de ce blocus et sur les menaces d’escalade militaire visant le Venezuela ? La France entend-elle condamner toute mesure de blocus et toute action susceptible de constituer un usage illégal de la force, ainsi que toute escalade militaire mettant en danger la population vénézuélienne et la stabilité régionale ?
La France prendra-t-elle l’initiative, à l’image de l’appel de Claudia Sheinbaum, de saisir les Nations unies afin d’exiger la désescalade, le respect de la souveraineté et du droit international, et la priorité à une solution diplomatique ?
Enfin, quelles démarches la France compte-t-elle engager au niveau européen et onusien pour protéger la sécurité maritime et prévenir tout incident dans la zone Caraïbe, où vivent par ailleurs de nombreux ressortissants français ?