La France, l’Europe et la Chine : choisir la coopération plutôt que la confrontation, et le multilatéralisme plutôt que l’atlantisme
En 2025, l’Union européenne et la Chine célèbrent cinquante ans de relations diplomatiques, dans un contexte de tensions internationales. Membre de la Commission des affaires européennes, Sophia Chikirou a été chargée d’une mission d’information parlementaire sur l’état des relations sino-européennes. Loin des caricatures médiatiques, le rapport qu’elle a présenté à l’Assemblée nationale est une feuille de route pour une coopération incontournable, juste et équilibrée, entre deux puissances interdépendantes.
Un moment de bascule pour l’Europe
Depuis la communication de 2019 qualifiant la Chine de « rival systémique », les relations se sont tendues et l’UE, trop alignée sur Washington, s’est enfermée dans une confrontation commerciale stérile, aggravée par ses propres fragilités politiques et industrielles. Le rapport met en garde contre la vassalisation européenne face au duel sino-américain, surtout avec le retour de Trump, et appelle à rompre avec la logique des bloc contre bloc.
Refus de l’atlantisme, réalisme coopératif
Deux leçons ressortent des auditions : d’une, l’UE est perdante à suivre les USA, la preuve étant qu’elle subit la hausse des droits de douane de Trump plus élevés que ceux infligés à la Chine. De deux, la logique des sanctions et des barrières douanières ne constitue pas une stratégie pour protéger l’industrie et les emplois. Il faut refuser la guerre des droits de douane et recourir à d’autres instruments de régulation et de protection, dans une logique de désescalade.
Vers un protectionnisme solidaire
C’est ce que recommande le rapport en s’appuyant sur des instruments négociés qui peuvent prendre la forme de quotas d’importation ciblés ou de prix planchers pour les biens sensibles, des exigences de contreparties technologiques dès qu’un investissement étranger bénéficie de fonds publics, ou encore le renforcement de la propriété intellectuelle et des critères sociaux‑écologiques pour l’octroi d’aides publiques…
La Chine acteur incontournable de la transition écologique
« On ne fait pas la transition écologique sans la Chine ». Pékin est devenu leader mondial des énergies renouvelables. ⅔ des véhicules électriques vendus dans le monde sont chinois. 50% des nouvelles installations de production d’énergie renouvelable construites dans le monde sont chinoises. Plutôt que de transformer cette réalité en champ de bataille, le rapport préconise d’élaborer des accords de coopération sectorielle : solaire, hydrogène vert, batteries et stockage, véhicules électriques, définition de normes environnementales communes.
Renforcer les instances internationales
La Chine investit les instances internationales au moment où les États-Unis les sabotent : l’UE et la France, attachées au multilatéralisme, devraient s’y engager bien davantage. Cela implique le respect de l’ONU comme instance de régulation, le refus de l’instrumentalisation de Taïwan, une approche coopérative en Asie-Pacifique et une réforme de la gouvernance monétaire et financière. Parmi les chantiers concrets figurent un mécanisme multilatéral de restructuration des dettes souveraines, ou encore la création d’une Agence mondiale de développement.
Le rôle singulier de la France
L’UE est constituée d’États-membres dont les intérêts divergent. Cette réalité est le talon d’Achille de l’institution et la Chine comme les États-Unis l’exploitent largement. C’est pourquoi le rapport a élaboré une feuille de route pour la France qui lui permettrait de développer ses relations bilatérales avec la Chine et de protéger ses intérêts. Cela passe par des coopérations industrielles encadrées dans les mobilités électriques et les énergies renouvelables. Ainsi que par le renouvellement et le renforcement de partenariats déjà existants dans les domaines scientifiques (ANR–NSFC), de sécurité sanitaire (accord d’alerte codirigé, centre tripartite de biosécurité avec l’Afrique), dans la culture et la jeunesse (fonds culturel, mobilité étudiante, plan national pour l’enseignement du mandarin).
Pour lire le rapport parlementaire sur les relations entre la Chine et l’Europe
Lire sur le site de l’Assemblée nationale