La seule inflation que l’État prévoit de compenser dans ce PLF 2023 est celle du cours de la tonne carbone. 300 entreprises vont partager 856 millions d’euros pour compenser la taxe carbone (droits à polluer). C’est un drame pour la planète : la nécessité de réduction des émissions de gaz à effet de serre est en péril. Sophia CHIKIROU dénonce le double discours du gouvernement : au lieu d’agir pour le climat, il garantit l’irresponsabilité climatique.
Lisez l’intervention de Sophia Chikirou ⤵️
Monsieur le Président,
Monsieur le rapporteur,
Merci pour votre exposé et votre rapport riche d’enseignements.
Le premier d’entre eux est un constat politique : ce gouvernement est au service des grandes entreprises et des start-up ; ce gouvernement prend dans la caisse publique des milliards d’euros pour servir des intérêts privés.
Oui ce sont des intérêts privés, ceux d’actionnaires et de quelques dirigeants, qui bénéficient des aides publiques et des réductions fiscales.
Ainsi, Les aides aux entreprises, sous forme de subventions ou d’aides fiscales, se montent aujourd’hui à plus de 157 Mds d’€, nous disent les chercheurs du Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques (Clersé).
Je suis déjà intervenue devant cette commission pour pointer les incohérences de deux « organismes » d’État : BPI France et Business France. La première, banque publique d’investissement s’acoquine avec un fonds souverain d’Abu Dhabi, mis en cause dans un scandale internationale, à hauteur de plusieurs milliards d’euros pour investir dans des sociétés cotées en bourse parmi lesquels des entreprises sont on peut légitiment interroger la plus-value social, environnementale et même en terme de souveraineté nationale. La seconde, Business France, intervient comme une agence de services auprès d’entreprises françaises sans aucun objectif précis, sans indicateurs, sans évaluation. Des millions d’euros ainsi dépensés sans qu’on sache bien quel en est le but et encore moins l’efficacité.
On voit avec votre rapport que la mission Économie voit ses crédits augmenter de 27% ! Comme l’éducation nationale aurait aimé avoir un et elle augmentation, comme la santé aurait aimé avoir une telle augmentation !
Mais attention à ne pas se laisser berner par le discours officiel que les macronistes nous rabâchent : non, cette augmentation ne permettra ni de créer des emplois, ni de faire progresser nos entreprises dans la voie de la bifurcation écologique et encore moins d’améliorer les conditions sociales des travailleurs.
La réalité c’est que les budgets des organismes en charge des contrôles, de l’application des lois sont gelés ou à peine augmenter :
- L’ARCEP, +1,4% en CP alors même que ses missions s’élargissent. Pas d’augmentation des effectifs
- L’Autorité de la concurrence, qui a en charge le soutien aux lanceurs d’alerte par exemple depuis 2022, pas d’augmentation alors même qu’il faudrait anticiper la mise en place de la législation européenne et du DMA pour octobre 2023.
- La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) voit ses CP augmenter d’à peine 3,1%.
- L’action 24, « régulation , protection et sécurité du consommateur » à peine 3%
D’où vient alors cette progression de près de 30% des crédits de la mission Économie ?
Je vais m’arrêter sur l’augmentation la plus scandaleuse : + 650% ! +650% pour la compensation de la charge du prix de la taxe carbone aux entreprises électro-intensives et hyper électro-intensives ? On parle de 300 sites, au maximum 500 EI et HEI. Ainsi, 856 millions d’euros pour 300 sites en 2023. C’est dans le rapport. 2,85 millions par site.
Cela pose deux problèmes fondamentaux :
- Premièrement, nous ne sommes pas d’accord pour que l’État français paye la taxe carbone due par des entreprises à impact écologique. Nous estimons que cette prise en charge est contraire au principe de responsabilité environnementale.
- Deuxièmement, nous ne sommes pas d’accord pour que l’aide de l’État soit la seule et unique à suivre le cours de la taxe carbone passé de 15 euros à 90 euros. C’est la seule inflation entièrement compensée par l’État ! si le gouvernement avait indexé comme on l’a demandé les salaires des fonctionnaires, les retraites, les aides sociales sur l’inflation, encore pourrions-nous penser que c’est un principe général. Mais là, comment une telle augmentation pour garantir l’irresponsabilité environnementale des entreprises les plus polluantes et les moins sobres est-elle encore possible dans le budget 2023 ?
On est à la fois dans l’indécence et le double discours, dans l’absence totale de volonté politique d’agir pour la planification écologique.
Ces entreprises sont encouragées à polluer en toute impunité puisque la collectivité prend en charge une partie des droits à polluer qu’elles sont censées payer pour les décourager à polluer ! Le système est absurde et se cacher derrière les règles européennes est une hypocrisie monstrueuse quand dans le même temps on exige des citoyens et des petites entreprises, des collectivités publiques qu’ils passent tous à la caisse.
L’austérité s’applique à tout le monde dans ce PLF 2023 sauf lorsqu’il s’agit de baisser les impôts des entreprises, sauf lorsqu’il s’agit de distribuer des milliards d’euros aux plus riches, encore et encore.