Mme Sophia Chikirou interpelle Mme la ministre de la transition énergétique sur le cadre législatif qui a facilité l’installation du terminal méthanier du Havre FSRU Cape Ann, ainsi que sur les choix faits par le Gouvernement en matière énergétique.

En réaction à l’invasion en Ukraine et alors que l’Europe dépendait jusque-là du gaz russe à 41 %, la stratégie énergétique européenne s’est largement tournée vers le gaz de schiste américain. En 2022, la France est devenue le premier pays importateur de gaz de schiste en provenance des États-Unis d’Amérique. Pourtant, l’exploitation du gaz de schiste, obtenue notamment par la fracturation hydraulique interdite sur le territoire français, est incompatible avec les engagements climatiques français et européens. L’Agence internationale de l’énergie rappelle ainsi qu’une limitation du réchauffement à 1,5 ° suggère un arrêt complet de tout nouveau projet d’énergies fossiles. Une réduction de 1 °C de réchauffement équivaut à une réduction de la consommation de gaz d’environ 8 %.

Au regard des projets dans lesquels la France est engagée en matière d’énergies fossiles pour les prochaines années, Mme la ministre est-elle en mesure de justifier de la conformité de la stratégie énergétique française avec la trajectoire de réduction de gaz à effets de serre des accords de Paris ? La procédure législative qui a autorisé le projet du terminal méthanier du Havre FSRU Cape Ann a permis de raccourcir les délais d’instruction habituels sur un tel dossier. Ainsi, celle-ci a pris la forme d’une dérogation procédurale autorisant l’installation d’un terminal méthanier flottant au sein du projet de loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant sur les mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.

Mme La députée interpelle Mme la ministre sur le fait que, comme cela est rappelé dans l’avis sénatorial n° 826 déposé par M. Bruno Belin, les délais et la procédure législative utilisée pour autoriser un tel chantier n’ont pas permis une étude environnementale approfondie, pour un projet qui n’est par ailleurs pas soumis à la régulation environnementale liée aux usines dangereuses.

Mme la ministre est-elle en mesure d’apporter des éléments précis, chiffrés et étayés sur l’impact environnemental de ce chantier dont l’ONG Greenpeace évalue les émissions annuelles à l’équivalent de celles de 393 millions de voitures ?

Enfin, ledit projet de loi « pouvoir d’achat », tout comme la déclaration du Premier ministre Jean Castex concernant le plan de résilience économique et sociale en réponse à la crise en Ukraine (du 16 mars 2022), justifient tous deux ce projet par des menaces sur l’approvisionnement énergétique de la France et un besoin de « sécuriser l’approvisionnement français en gaz naturel pour l’hiver 2022-2023 en prenant les dispositions réglementaires nécessaires pour que les stockages de gaz français soient remplis ». Or selon une étude publiée conjointement par l’ONG Greenpeace et le journal d’investigation Disclose, sur les près de 65 milliards de mètres cubes de gaz importés en 2022, 25 % ont été revendus à des pays européens. Les stocks de gaz français étaient dans une situation favorable : remplis à près de 53 % en 2023, soit à un niveau identique à 2022 et supérieur à 2021. La tendance de la consommation de gaz était, elle, en baisse de 14 % entre 2022 et 2023. Ainsi, si les stocks sont stables, si la France arrive même à exporter 1/4 de sa production et si la tendance de consommation est à la baisse, qu’est-ce qui justifie qu’un nouveau projet d’une telle ampleur et avec un impact environnemental présumé si néfaste voie le jour en septembre 2023 ?

Le Gouvernement, en la personne de Mme la ministre, est-il en mesure d’étayer les arguments de pénuries de gaz avancés pour justifier les autorisations délivrées à ce projet ? Par ailleurs, le projet présente aussi un enjeu de santé publique, avec des risques de fuites qui pourraient provoquer 151 phénomènes chimiques dangereux, toujours selon le média Disclose. Quelle assurance Mme la ministre est-elle en mesure de délivrer pour garantir la sécurité et la santé des habitants du Havre ?

Elle l’alerte ainsi sur les divers risques environnementaux et sanitaires que pourrait représenter un tel projet, risques dont l’évaluation n’a pas été permise par la procédure d’approbation accélérée choisie pour ce projet.

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